Il est des endroits qui ne ressemblent à rien d’autre. Des confetti de terre battus par les vents et lavés d’embruns, entre océan et volcan, entre forêt primaire et rivages lunaires. Les Açores et Madère font partie de ces terres légendaires, où l’on marche autant dans la nature que dans un rêve d’explorateur.
Mais voilà, le week-end est court et le choix, cruel : Açores ou Madère ? Où poser son sac pour une échappée nature sans pareil, entre randonnée, contemplation et petites merveilles hors du temps ? Embarquez avec moi dans ce match tout en nuances entre deux perles de l’Atlantique.
Une géographie d’îles et d’horizons
Les Açores, archipel sauvage posé à mi-chemin entre Lisbonne et New York, forment un chapelet de neuf îles perdues dans l’Atlantique Nord. C’est une sorte d’échappée belle hors du tumulte, un petit bout de monde où l’on se sent ailleurs, tout simplement. Madère, elle, est plus proche des côtes marocaines, mais reste farouchement portugaise dans l’âme. Plus compacte, plus organisée aussi – dirait-on – mais tout aussi dépaysante.
Ce qui distingue ces deux destinations, c’est l’échelle. Là où Madère concentre mer, montagne et forêt en un seul écrin, les Açores offrent une dimension archipélagique : chaque île est une nouvelle aventure, un caractère propre, comme une collection de romans à lire dans le désordre.
Pour les amoureux de nature brute : avantage Açores
Si vous rêvez de paysages spectaculaires encore épargnés du tourisme de masse, direction les Açores. São Miguel, l’île principale, est un condensé d’étonnement : lagons jumeaux dans un cratère à Sete Cidades, fumerolles et sources chaudes dans la vallée de Furnas, champs d’hortensias à perte de vue… Le tout souvent enveloppé d’un brouillard mystérieux qui ferait frissonner même un géologue blasé.
Je me souviens être resté une heure, immobile, face au lac de Fogo. Il n’y avait que le silence et moi. Même les oiseaux semblaient chuchoter. Ce genre de moment, on le vit souvent aux Açores. Des lieux sans commentaire possible, seulement l’émotion brute.
Madère n’est pas en reste côté paysages, évidemment. Entre ses falaises vertigineuses plongeant dans l’Atlantique, ses levadas (canaux d’irrigation) qui serpentent la montagne et ses sommets recouverts de brume, les randonnées y sont fantastiques. Mais la végétation y est plus maîtrisée, plus domestiquée, et les infrastructures plus présentes. Cela séduira certains, bien sûr, mais les puristes du « retour à la nature » préféreront sans doute les mystères des Açores.
Pour les randonneurs invétérés : égalité parfaite
Des kilomètres de sentiers balisés sillonnent aussi bien Madère que les Açores. À Madère, la randonnée-reine s’appelle le Pico Ruivo, point culminant de l’île. Une épopée entre ciel et mer, passant par des tunnels creusés à même la roche. On y croise autant de nuages que de touristes, mais l’émotion est intacte.
Aux Açores, les itinéraires sont souvent plus longs et plus escarpés. Prenez la montée du Pico sur l’île de Pico (vous suivez ?) : une ascension de 2351 mètres, sur un volcan parfaitement conique, qui vous donne, une fois au sommet, l’impression de pouvoir toucher les étoiles — ou du moins, de les saluer en toute légitimité.
La grande différence tient dans la solitude. Sur bien des chemins açoréens, on peut marcher des heures sans croiser âme qui vive. La randonnée y devient presque un acte méditatif. À Madère, les circuits sont plus fréquentés, mais aussi plus accessibles, parfaits donc pour un week-end tonique sans trop de préparation spécifique.
Une gastronomie insulaire au charme unique
Question papilles, la confrontation est plus serrée qu’il n’y paraît. Madère l’emporte d’une courte avance sur les douceurs : les fruits tropicaux (banane, fruit de la passion, papaye…) y sont d’une exubérance joyeuse, et l’on y arrose généreusement les plats du fameux vin de Madère, doux et capiteux comme une fin d’après-midi d’été.
L’île propose aussi quelques spécialités à tester absolument :
- L’espada com banana : un poisson sabre accompagné de banane frite. Intriguant mais délicieux.
- Les brochettes d’espettada : bœuf mariné, grillé sur des branches de laurier frais.
Aux Açores, tout commence dans une assiette de cozido das Furnas – un ragoût qu’on enfouit sous terre, dans la chaleur volcanique de Furnas, pour une cuisson lente et ancestrale. Le fromage de São Jorge est un autre trésor : corsé, salé, à accompagner d’un verre de vin local très convenable, cultivé sur les terres noires de l’île de Pico.
L’un comme l’autre promettent des découvertes gastronomiques authentiques, mais ici encore, les Açores séduisent par leur simplicité franche, rustique, presque paysanne. Madère joue davantage la carte de la finesse et de l’abondance.
Ambiance et atmosphère : entre sauvage et douceur de vivre
Ce qui étonne à Madère, c’est cette sensation immédiate de bien-être. Peut-être est-ce la douceur du climat, même en hiver, ou les fleurs qui explosent aux coins des rues. Peut-être aussi la gentillesse des Madeirenses, toujours prompts à vous indiquer un sentier ou vous tendre un verre de poncha (la boisson locale, faite de rhum agricole, miel et citron… redoutable).
Aux Açores, la nature impose sa loi, et l’on sent une humilité profonde dans la manière dont les habitants cohabitent avec les éléments. Le vent souffle plus fort, les hivers sont plus rudes, mais cela forge une résilience palpable – et une sincérité rare dans les échanges.
C’est un peu comme comparer deux poèmes : l’un serait coloré et frémissant, l’autre brut et tellurique. À vous de voir lequel vous touche le plus.
Accessibilité et durée de séjour : pour un vrai week-end, Madère s’impose
Sur le papier, les deux destinations sont relativement proches. Mais dans la réalité logistique, Madère est souvent plus simple d’accès. Des vols directs relient les grandes villes françaises à Funchal, ce qui permet d’arriver tôt le vendredi et de repartir tard le dimanche.
Les Açores, en revanche, nécessitent souvent une escale à Lisbonne ou Porto, voire un passage d’une île à l’autre. Pour explorer plusieurs îles, il faut envisager cinq à sept jours. En revanche, un week-end sur la seule São Miguel est tout à fait faisable, surtout si l’on vole depuis Lisbonne (2h seulement).
Petit conseil perso : si vous décidez d’opter pour São Miguel le temps d’un week-end, louez une voiture et partez sans trop prévoir. L’île se dévoile à ceux qui savent se perdre un peu.
Alors, où partir ce week-end ?
Si vous cherchez une nature spectaculaire, crue, encore endormie dans la rosée de l’aube — les Açores sont faites pour vous. En particulier São Miguel, l’île principale, qui mixe randonnée, sources chaudes et panoramas d’une élégante mélancolie.
Si au contraire vous rêvez d’un week-end plus doux, mêlant balades accessibles, fleurs en cascade, vues imprenables et douceur de vivre, Madère semble être le choix idéal. L’île se savoure lentement, avec ses ruelles pavées, sa cuisine parfumée et ses sentiers entre ciel et brume.
Entre les deux, mon cœur balance. Ou plutôt, il oscille comme un funambule entre forêt et falaise, l’œil jeté sur l’Atlantique, toujours. Peut-être que votre cœur à vous connaîtra immédiatement la réponse. Il suffit parfois d’un nom prononcé à voix haute pour qu’un sourire se dessine. Essayez : “Açores.” “Madère.”
Et écoutez ce que cela vous évoque.