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Les spécialités culinaires de Madère à goûter lors d’un week-end gourmand

Les spécialités culinaires de Madère à goûter lors d’un week-end gourmand

Les spécialités culinaires de Madère à goûter lors d’un week-end gourmand

Il y a des îles qui vous marquent par leur beauté brute, d’autres par la générosité de leurs habitants. Madère, elle, a l’élégance rare de vous séduire dès la première bouchée. Située au large du Maroc mais bercée par la douceur portugaise, cette île volcanique offre un voyage gourmand où l’Atlantique épouse la terre dans une farandole de saveurs. Si vous ne disposez que d’un week-end pour en découvrir les trésors, rassurez-vous : votre estomac servira de boussole.

Espetada : la brochette rustique qui a du panache

Impossible de passer à côté de l’espetada lorsqu’on pose le pied à Madère. Ces brochettes de bœuf, généreusement frottées d’ail, de sel et de laurier, sont ensuite grillées sur des braises ardentes, suspendues dans certains restaurants à une sorte de crochet digne d’un opéra rustique. Le geste est théâtral, presque sacré. Elles sont servies avec du bolo do caco — ce pain plat à l’ail cuit sur une plaque de pierre volcanique — et des patates douces rôties que même les plus réticents finiront par adorer.

Un soir de pluie fine, retranché dans une taverne à Santana, j’ai vu un vieux monsieur tremper une pointe d’espetada dans un reste de poncha. « Pour le goût, mon garçon », m’a-t-il murmuré. Je ne vous encourage pas à l’imiter, mais il faut reconnaître un certain génie à ceux qui savent mêler viande et rhum avec panache.

Bolo do caco : le pain qui parle à l’âme

Oui, parlons-en justement, de ce fameux bolo do caco. Ce petit pain rond et plat, à la croûte dorée et au cœur moelleux, doit son nom à la pierre sur laquelle il est cuit. C’est du pain, certes — mais avec l’odeur du feu, la chaleur de la main qui pétrit et la mémoire du laurier. Coupé en deux et tartiné de beurre à l’ail, il accompagne souvent les plats mais se suffit aussi à lui-même, comme un haïku chaud mangé au creux d’un marché ou le long des ruelles pavées de Funchal.

Une variante locale consiste à le garnir d’espadon ou d’un effiloché de porc mariné — une sorte de street food avant l’heure, mais avec le sel de la mer et le sourire d’une grand-mère derrière le comptoir.

Poncha : la potion sacrée (avec modération, évidemment)

La poncha, c’est le cœur liquide de Madère. Un cocktail à base de rhum agricole, de miel et de jus de citron frais. Originellement inventée par les pêcheurs pour « rester droit dans les tempêtes », elle vous attrape le palais comme un bon vieux conte : un peu piquante au départ, puis étonnamment douce. Vous la verrez dans presque tous les cafés et tascas de l’île, souvent préparée à la minute avec un bâton spécifique, sorte de petit pilon en bois nommé mexelote.

Il existe autant de variantes que de barmen : certains y ajoutent de la passion, d’autres du gingembre, voire même de la mandarine. Le rituel, lui, reste immuable : on trinque, on boit lentement, et on laisse le vent s’occuper du reste.

Espada com banana : le choc du sucré-salé

Madère est une terre de contrastes, et cela se lit jusque dans l’assiette. Prenez l’espada com banana. D’un côté, un poisson noir des profondeurs — l’espadon au regard préhistorique, pêché de nuit lorsqu’il s’approche des hauteurs. De l’autre, une banane bien mûre, dorée à la poêle. Les deux sont servis ensemble, parfois nappés d’une sauce légère au citron ou au vin de Madère.

Comment expliquer ce mariage étrange ? Peut-être faut-il l’accepter comme une poésie culinaire. L’un est charnel, l’autre sucré. Une bouchée, et vous êtes à la frontière du rationnel et de la gourmandise instinctive.

Le vin de Madère : voyage dans un verre

Derrière ce nom un peu suranné se cache un vin d’une complexité presque émotive. Vieilli en fûts chauffés, le vinho da Madeira développe des arômes de noix, de caramel, parfois de fruits secs — le tout avec une acidité maîtrisée qui lui confère une étonnante fraîcheur.

Que vous soyez amateur de sec (Sercial), de demi-sec (Verdelho), de demi-doux (Boal) ou de doux (Malvasia), chaque gorgée raconte une époque, un terroir, une patience. On dit que Churchill lui-même en sirotait lorsqu’il peignait les côtes au nord de l’île.

Je vous recommande une visite dans l’une des caves historiques de Funchal, comme celle de Blandy’s, où les barriques vieillissent en hauteur, dans la chaleur, avec cette odeur de vieux bois et de traditions qui résistent au temps.

La sopa de trigo : rustique et réconfortante

Lorsque les nuages s’accrochent aux montagnes et que les sentiers de randonnée deviennent brumeux comme un poème, rien ne vaut une bonne sopa de trigo, une soupe de blé épaisse complétée par des haricots rouges, du chou et quelques morceaux de porc salé.

C’est un plat de labeur, nourrissant, fait pour rassasier d’abord les paysans, et aujourd’hui les randonneurs affamés. Servie brûlante, souvent dans une assiette creuse en terre, elle vous enveloppe doucement, comme une couverture après une longue marche parmi les levadas — ces petits canaux d’irrigation qui serpentent à travers forêts et falaises.

Queijadas de Requeijão : douces comme un dimanche matin

Pour le dessert, il serait dommage de repartir sans goûter aux queijadas, ces petites douceurs faites de fromage frais (requeijão), de sucre et d’œufs. Leur texture évoque quelque chose entre le flan et le cheesecake, mais en plus délicat, moins gras, presque mignon dans son apparence rustique sans fioritures.

À déguster au petit-déjeuner, au retour d’une balade ou en regardant la mer s’étirer à l’horizon… Ces petites merveilles vous laissent une trace, comme une carte postale qu’on glisse dans la poche.

Quelques adresses pour un week-end vraiment gourmand

Madère se vit également à travers ses adresses confidentielles, celles qu’on ne trouve pas toujours sur TripAdvisor mais que goûtent d’abord les habitants :

Un festin au rythme des embruns

Ce que j’aime à Madère, au fond, c’est cette manière de vivre au rythme du goût. Ici, la nourriture est un langage, une manière de dire « sois le bienvenu », et « prends le temps ». Chaque plat a son histoire, souvent transmise à mi-voix, entre deux éclats de rire ou une météo changeante. Et même si vous ne comprenez pas toujours les mots, les saveurs, elles, font toute la lumière.

Alors, au prochain départ — qu’il soit rêvé ou réservé — souvenez-vous qu’à Madère, la table est souvent la meilleure des cartes.

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